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Prévenir le stress et le risque psychique liés aux confinements

Le contexte général, lié à la crise sanitaire mondiale traversée, reste très incertain à plus d’un titre. Parmi les difficultés que peuvent rencontrer les collaborateurs et les managers, celles liées aux confinements successifs, leurs impacts multiples peuvent facilement augmenter les risques psychosociaux. Plus que jamais la prévention de ces risques est une priorité pour les entreprises inscrites dans le bien-vivre au travail. Nous allons voir dans ce billet, quels sont les facteurs de vulnérabilité favorisant les risques psychiques liés à l’incertitude, liés au confinement, leurs conséquences et quelques pistes à expérimenter pour les prévenir.

 

Il était une fois, la prévention des risques liés aux confinements

 

Au début, il y a le contexte.

Commençons par enfoncer des portes ouvertes. Un petit rappel du contexte est quand même nécessaire pour comprendre que le mal-être de certains collaborateurs ou managers ne vient pas de nulle part. Il est aussi contextuel.

Au mois de Mars de cette année 2020, nous avons connu à l’échelle mondiale ce que personne n’avait connu depuis la sortie de la première guerre mondiale : une pandémie. Un « simple » virus est venu mettre à genoux tout un système et certains éléments qui le composent (nous autres êtres humains).

Face à cette crise sanitaire d’une telle ampleur et compte tenu de la vitesse de propagation du virus, l’une des mesures les plus rapides à prendre pour enrayer la pandémie fut, dans de très nombreux pays, le confinement. Notre rôle ici n’est pas de parler de son efficacité car ce point de vue est sujet à débat, et ce n’est pas l’objet de cet article.

Ce premier confinement a déjà déstabilisé une écrasante majorité d’organisations, et les collaborateurs qui les composent, tant à titre personnel que professionnel.

Mais si cet événement a bousculé notre petit train-train quotidien, il pouvait aussi être perçu comme une expérience. Même si les facteurs de risques psychiques liés au confinement tels que l’isolement ou l’anxiété étaient présents, ils pouvaient être contrebalancés par d’autres ressources psychiques comme l’espoir d’une situation passagère ou un « break » obligatoire pour celles et ceux qui étaient à la limite de l’épuisement professionnel. De plus, nous entrions en saison printanière, avec son lot de renouveaux et de journées qui s’allongent.

Mais voilà qu’une deuxième vague concernant cette pandémie a de nouveau déferlé. Un peu comme avec l’océan quand on sort d’une vague qui nous a bien malmenée (avec le maillot de bain à l’envers et les cheveux devant le visage) et qu’au moment de reprendre notre souffle, une nouvelle déferlante nous remet la tête sous l’eau. Même si le confinement « harcdore » de la première vague n’était plus d’actualité grâce à certaines conditions et aménagements, il n’empêche que les plaies de la première vague n’étaient pas encore cicatrisées pour tous. Loin de là.

Cette nouvelle vague correspond aussi à l’entrée dans l’hiver et tout ce que la grisaille peut (même en temps normal) apporter comme morosité ambiante.

Ensuite, il y a les changements. Multiples. Radicaux.

Tout système vivant possède des propriétés qui lui sont propres, des sortes de principes. Une entreprise comme un humain sont des systèmes vivants. Les confinements (premier et deuxième du nom) sont venus bousculer ces propriétés, au nombre de quatre et multiplient par conséquent les risques psychiques qui y sont liés.

 

 

1. Le principe de totalité qui postule que le « tout est plus que la somme » des parties.

Par exemple, la musique est plus que l’ensemble des notes. Quand on réagit à une musique, c’est sur l’harmonie qui existe dans son ensemble, pas sur chaque note individuellement.

Un collaborateur fait partie d’une équipe, elle-même faisant partie d’un ensemble plus large qu’est l’entreprise. Le confinement (et le télétravail exclusif pour certains) entraîne la difficulté pour les collaborateurs de se sentir appartenir à une équipe. Il est en effet toujours plus facile de se sentir partie prenante d’une équipe quand on est DANS l’équipe avec les autres membres, qu’en DEHORS de cette équipe, seul.e derrière son ordinateur.

 

2. Le principe d’interaction qui dit que chaque élément du système peut agir sur les autres et sur l’ensemble du système.

Inutile de vous faire un dessin; ici, pas de débat. L’isolement dû au confinement réduit considérablement les interactions entre collaborateurs et avec le manager. Et même les échanges virtuels ne sont qu’une compensation assez limitée à ce manque d’interactions sociales. Sans compter que tous les lieux favorisant ces interactions restent fermés, précisément pour respecter la distanciation physique.

 

3. Le principe d’homéostasie du système qui cherche toujours à retrouver son équilibre antérieur quand il est modifié.

Voici probablement le principe le plus perturbé dans le contexte des risques psychiques liés au confinement.

Pour prendre un exemple d’homéostasie hors du contexte de l’entreprise, pensez à la sueur que votre corps produit quand il fait chaud. L’eau que vous voyez sur votre peau n’est là que pour réguler votre équilibre thermique et maintenir votre température corporelle autour des 37°C.

Le collaborateur dans l’entreprise subit une rupture nette dans son équilibre professionnel. Ses habitudes, son environnement de travail, ses processus, ses relations sont tous perturbés en même temps. De là, une grande quantité d’énergie est nécessaire pour créer un nouvel équilibre au sein de son nouvel environnement (et d’autant plus quand ce nouvel environnement est son propre foyer, dans lequel il a déjà d’autres habitudes, d’autres repères, d’autres styles de process)

 

4. Le principe « ici et maintenant » ou d’équifinalité.

Les puristes le nomment le principe d’équifinalité. Un mot un peu barbare qui veut simplement dire qu’une même cause peut avoir des effets différents. Dans le contexte actuel, le confinement qui peut être vu comme une seule cause génère pourtant des risques différents selon les collaborateurs. Chacun possède des défenses psychologiques différentes, un environnement différent, des relations différentes. Si tout ceci est plus ou moins lissé quand les collaborateurs sont sur site, c’est loin d’être le cas quand on se retrouve chez soi.

 

Puis, s’invitent les besoins.

En parallèle de ces principes systémiques perturbés, nous avons aussi trois besoins fondamentaux qui favorisent les risques psychiques liés au confinement. Ce sont les trois besoins que le psychiatre à l’origine de l’analyse transactionnelle, Eric Berne, a identifiés comme nécessaires à notre équilibre psychologique.

 

1. Le besoin de stimulation

Placez quelqu’un dans une pièce insonorisée, dans le noir complet et sans aucune autre stimulation des sens et vous le rendrez fou en quelques jours. Un autre exemple est donné par les travaux de René Spitz. Ce psychiatre américain de la 1ere moitié du 20ème siècle a montré les carences psycho-affectives irréversibles que peut subir un nourrisson coupé de toute stimulation pendant un laps de temps plus ou moins long. Qu’elle soit physique, sensorielle, relationnelle ou intellectuelle, la stimulation de l’être humain est indispensable à son développement et au maintien de son équilibre psychologique.

En période de confinement, une grande partie de nos stimulations habituelles n’existe plus. Il reste bien sûr les stimulations à l’intérieur de nos maisons, mais elles sont la plupart du temps répétitives et souvent tournées vers le digital, ce qui peut aussi créer des problèmes (surtout quand il s’agit de se concentrer sur des tâches professionnelles)

 

2. Le besoin de reconnaissance

En lien avec le besoin de stimulation, le besoin de reconnaissance est comblé quand des marques de reconnaissance sont données et reçues. Eric Berne les appelait des Strokes qui en français signifient “caresses”… ou “coups” !

En effet, qu’ils soient positifs ou négatifs, les Strokes véhiculent le message de la reconnaissance de l’existence de l’autre. Nous sommes bien d’accord qu’il est préférable d’échanger des strokes positifs que négatifs. Et en même temps, l’indifférence qui s’apparente à une absence de reconnaissance, est bien pire que des strokes négatifs.

 

En situation de confinement le nombre de Strokes que l’on pourrait recevoir de la part de nos collègues, de nos amis quand on se retrouve au restaurant, par nos collègues au club de sport, etc, tout ça n’existe plus. Et pour ceux qui sont isolés chez eux, l’insatisfaction de ce besoin est encore plus grande.

 

3. Le besoin de structure

Se sentir structuré c’est avant tout se sentir à l’aise au sein d’un cadre rassurant qui nous permet de nous épanouir en sécurité. Les habitudes, la continuité dans chaque chose, la petite routine, les rythmes quotidiens, hebdomadaires ou plus sont autant d’éléments qui viennent renforcer ce besoin de structure. Elles sont parfois perçues négativement, mais sans cette stabilité nous serions soumis à un sentiment d’inquiétude voire d’angoisse permanente.

Le confinement a marqué un coup d’arrêt brutal dans la satisfaction de ce besoin. La structure que représentait notre environnement professionnel s’est métamorphosée du jour au lendemain, sans délai d’adaptation pour se repérer dans cette nouvelle structuration du temps.

 

Et le stress dans tout ça ?

Toutes les perturbations précédemment décrites, qu’elles soient systémiques ou liées aux besoins fondamentaux, ne peuvent être dénuées d’impacts en matière de stress chez les collaborateurs et les managers. C’est même là que se situe l’enjeu des risques psychiques liés au confinement, à l’inertitude.

En temps normal, le stress est un mécanisme d’adaptation tout à fait classique qui nous permet d’évaluer la perception de nos ressources pour faire face à un élément que l’on perçoit comme un danger ou une menace.

 

De là, trois configurations s’imposent :

  1. Nous évaluons nos ressources comme plus importantes que la menace que nous percevons. Dans ce cas, nous sommes dans notre zone de confort. il se peut aussi que nous connaissions l’ennui si la durée de ce confort se prolonge (par manque de stimulation; voir le paragraphe sur les besoins décrit plus haut).
  2. Nous évaluons nos ressources comme suffisantes pour affronter le danger. Nous sommes alors en équilibre, voire même dans un état de flow pour celles et ceux qui relèvent des défis légèrement plus élevés que leurs compétences.
  3. Nous évaluons nos ressources comme insuffisantes pour faire face à la menace que nous percevons. Rappelons ici qu’une menace peut être réelle ou perçue. Ce qui veut dire que le danger n’a pas besoin d’être devant nos yeux pour y réagir. C’est précisément là que se situe le stress et notamment le stress lié au contexte sanitaire.

 

Les 4 types de menaces

Quand on parle de menace, nous pouvons y mettre tout et n’importe quoi. Il y a pourtant quatre sujets principaux que nous sommes susceptibles de percevoir comme une menace.

  1. La menace d’un manque de contrôle de la situation (contrôle faible)
  2. La menace de ne pas savoir ce qui va se produire prochainement (imprévisibilité)
  3. La menace de ne jamais avoir vécu ou expérimenté la situation (nouveauté)
  4. La menace d’être mis à l’épreuve et de douter de ses capacités. (Égo menacé)

Ces menaces, réelles ou perçues, peuvent exister indépendamment les unes des autres. Mais nous voyons bien que le Coronavirus représente le combo parfait de la menace ultime.

  • Nous n’avons quasiment aucun contrôle sur sa propagation (contrôle faible)
  • Nous n’avons pas de visibilité sur l’évolution de la situation à plus de quelques semaines (imprévisibilité)
  • De notre vivant, nous n’avons jamais expérimenté une telle crise sanitaire (nouveauté)
  • Notre sentiment de toute-puissance en tant qu’espèce dominante en a pris un sacré coup (Égo menacé)

 

Comment prévenir les risques psychiques liés au confinement ?

Compte tenu de tous les éléments de contextes que nous avons vus jusqu’à présent et leurs différents impacts sur l’équilibre psychique des collaborateurs et managers, il y a quelques pistes à explorer pour prévenir (autant que faire se peut) les risques psychiques liés au confinement.

 

Piste #1 : La régulation de vos émotions

La recommandation ici est de reconnaître les émotions et sentiments éprouvés lorsqu’ils se présentent. Qu’elles soient agréables ou désagréables, les émotions ne sont ni plus ni moins que des signaux qui nous indiquent que nous vivons quelque chose d’inhabituel. Et c’était clairement le cas durant cette année.

Après la reconnaissance, il s’agit alors de les accepter comme normales et faisant partie de notre condition d’être humain

Enfin prendre soin de ses émotions revient par exemple à… :

  • écrire un journal de son vécu émotionnel
  • créer des moments favorables aux émotions agréables (plaisir, joie, gratitude, amusement, apaisement, enthousiasme, etc.)
  • exprimer ses émotions à une oreille empathique

 

Piste #2 : La satisfaction de vos besoins fondamentaux

  • Concernant le besoin de stimulation, vous pouvez par exemple  :
    • Découvrir un nouveau domaine d’intérêt
    • Lire un roman dont l’univers vous correspond
    • Envisager des changements à l’intérieur de votre environnement
    • Suivre une formation en ligne
    • Vous lancer un défi personnel
  • Concernant le besoin de reconnaissance, vous pouvez par exemple :
    • Remédier à l’isolement par des contacts téléphonique ou visio fréquents (mini 1 fois/jour)
    • Proposer une forme d’aide à des voisins qui sont dans le besoin (personnes âgées)
    • Envoyer un mail de gratitude à quelques personnes
  • Concernant le besoin de structure, vous pouvez par exemple :
    • Structurer votre journée avec un levé et un coucher à des heures régulières et « raisonnables » (en évitant les levés à midi et les couchers à 1 heure du mat’)
    • Construire des nouveaux repères de « routines »
    • Manger à heures fixes
    • Respecter le rythme veille/sommeil
    • Segmenter votre journée et votre semaine avec des temps consacrés pour chaque chose (temps familial, temps pour soi, temps de repos, temps de travail, temps de loisir, etc.)

Piste #3 : L’approche cognitive et comportementale

L’approche cognitive et comportementale permet d’établir une sorte de négociation avec soi-même lorsque des émotions désagréables associées à des pensées plutôt négatives s’invitent dans la partie. Il est un outil puissant pour prévenir les risques psychiques liés au confinement.

L’une des méthodes est celle du tableau de restructuration cognitive, du psychiatre Aaron Beck.

Il s’agit ici d’établir un tableau à cinq colonnes où sont mentionnés les éléments suivants :

  • Une situation, un événement, un contexte où est apparue la pensée négative
  • L’identification de la ou les émotions associées en évaluant leur intensité sur une échelle de 0 à 10
  • L’identification de la pensée automatique négative qui s’est présentée
  • La recherche d’une ou plusieurs pensées rationnelles alternatives à la pensée négative
  • Et enfin le résultat où il s’agit de réévaluer l’intensité de l’émotion ainsi que le degré de certitude vis-à-vis de la pensée négative du départ.

 

Voici un exemple d’une situation pouvant être vécue par un collaborateur en télétravail.

Et après… ?

Il est entendu que ces propositions ne sont que quelques pistes à explorer pour commencer la prévention des risques psychiques liés au confinement et ses impacts.

Le sujet nécessite évidemment une exploration plus avancée pour réellement s’inscrire dans une démarche de prévention efficace.

S’il ne devait y avoir au final qu’un seul mot à retenir de cette période et auquel nous pourrions consacrer un article à part entière, ce serait celui d’incertitude. Ce sentiment qui s’est invité dans nos vies il y a quelques mois et qui nous invite à son tour à trouver de nouvelles ressources pour cohabiter au mieux avec lui, pour quelques temps encore.

Gageons que cette cohabitation forcée nous servira à l’avenir pour mieux surfer sur les vagues d’incertitudes que la vie mettra sur notre route.

 

Chez NOW.be, nous sommes engagés pour mener à vos côtés ces projets de prévention, de sensibilisation, d’accompagnement et de formation de vos équipes.

Cet article a été inspiré par notre émission, le #OFF diffusée le 19/11/2020

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